Pifomètre

5. September 2015 Von Alleinerzieher

Aus der Bei­lage – La Pro­vence vue par la presse étran­gère – von N° 1288 des Cour­rier inter­na­tio­nal vom 9. Juli 2015 mit freund­li­cher Geneh­mi­gung die Über­set­zung mei­nes Leser­ar­ti­kels bei ZEIT ONLINE "Trüf­fel­markt in Aups – Schwarze Trüf­fel für den Cou­sin". Wie­derum gekürzt.

Choi­sir la truffe au pifomètre

Sur le mar­ché du vil­lage d'Aups, par un matin d'hiver, un tou­riste étran­ger s'est laissé aller au plai­sir de tâter, de tou­cher et de reni­f­ler la truffe. Puis de l'acheter. Témoi­gnage.

- Die Zeit Ham­bourg

La semaine pro­chaine, ma femme doit aller voir sa famille en Allema­gne et rendre visite à un cou­sin, ambi­tieux chef ama­teur et pré­si­dent d'un club de cui­sine aux pré­ten­ti­ons d'élite. Ma femme vou­d­rait bien l'impressionner en lui rap­portant des truf­fes noi­res de Pro­vence. Nous habi­tons près de Tou­lon et des truf­fes, on en trouve à Aups, un vil­lage de l'arrière-pays où l'air est plein du chant des ciga­les et de l'odeur des pins. C'est là que se tient tous les jeu­dis matin, de fin novembre à fin février, le troi­sième mar­ché aux truf­fes de France. Ma femme n'ayant pas le temps d'y aller, c'est moi qui ferai le voyage. Jeudi matin, 8 heu­res, les ciga­les se tai­sent à Aups et la tem­pé­ra­ture frôle le zéro. La place est déserte, tous les cafés sont fer­més. Pas un ven­deur de truf­fes en vue. Juste un petit vieux en robe de chambre et pan­tou­fles grisâ­tres, le béret vissé sur la tête. Avec sa baguette sous le bras et son mégot au coin du bec, il incarne un sté­réo­type bien français. Mais pas celui du ven­deur de truf­fes.

Ce n'est en fait pas sur les sté­réo­ty­pes français que j'ai tablé. Ma stra­té­gie était d'une sim­pli­cité toute teu­to­ni­que: se rendre à Aups, mettre la main sur le meilleur ven­deur de truf­fes avant même qu'il ait le temps d'installer son étal, lui ache­ter 200 gram­mes de mar­chan­dise et repar­tir aussi sec. Tac-tac, je devais être de retour pour le petit déjeu­ner des enfants qui n'ont pas école aujourd'hui. Pour cela, il me fal­l­ait trou­ver un ven­deur de truf­fes à 8 heu­res au plus tard. Mais la place est tou­jours déserte.

Mir­li­ton. Je pati­ente dans ma voiture, moteur allumé. J'ai froid. Un peu après 9 heu­res, la place com­mence à s'animer. De vieux mes­sieurs et dames, sou­vent des cou­ples, instal­lent de peti­tes tables pli­an­tes, les cou­vrent de toi­les cirées multi-colo­res et com­men­cent à sor­tir des pani­ers. Ainsi que des balan­ces de pré­cision élec­tro­ni­ques. Les ven­deurs sem­blent tous se con­naître. Ils se font la bise (gau­che, droite, gau­che) et se sou­hai­tent la bonne année, meilleurs voeux, for­tune, bon­heur mais sur­tout une bonne santé. C'est un jour de mar­ché ordinaire dans le sud de la France.

A l'exception d'un petit groupe de tou­ris­tes hol­lan­dais, nous né som­mes que quatre ou cinq cli­ents à faire cer­cle autour des étals, gre­lottant et nous dan­di­nant d'un pied sur l'autre. Le guide hol­lan­dais expli­que quel­que chose. Il con­naît son affaire. Nous allons pou­voir com­men­cer. A 9 h 30 tapan­tes, un per­son­nage vêtu d'un vague uni­forme fait son appa­ri­tion et hurle "le mar­ché est ouvert!" en souf­flant dans un mir­li­ton. C'est aussi ça la France. Cer­tains usa­ges de la mon­ar­chie sur­vivent encore aujourd'hui. Enfin, qu'importe, le mar­ché est ouvert. Au signal, les ven­deurs sor­tent les truf­fes de leurs poches et les dépo­sent dans des pani­ers. Les cli­ents pas­sent d'étal en étal. On tâte, on tou­ché, on reni­fle.

Mar­ché noir. Un homme vêtu d'une veste en cuir m'approche et me demande si je veux ache­ter des truf­fes. Evi­dem­ment, puis­que je suis là. Ça tombe bien, il en a dans son sac. Un sac, quel sac? Dis­si­mu­lés sous sa veste, il aurait 300 gram­mes de truf­fes noi­res dans une poche, 500 euros le kilo. C'est plu­tôt un bon prix. Le prix de l'emplacement étant pro­hi­bi­tif, il n'a pas d'étal. Pour con­clure notre affaire, mieux vaud­rait nous écar­ter pour né pas nous atti­rer les foud­res des autres ven­deurs. Ache­ter à la sau­vette dans des peti­tes rues adja­cen­tes, je con­nais. Dans le pire des cas, on se fait tabas­ser et dépouil­ler. Je décline son offre. Qui plus est, je n'ai pas fini d'examiner la mar­chan­dise de la con­cur­rence.

Tout cela me plaît bien: je peux tou­cher les truf­fes, en cou­per de petits morceaux, les chauf­fer dans ma main et les reni­f­ler. Les balan­ces de pré­cision affi­chent direc­te­ment le prix en euro au cen­time près. Sur les tables s'étalent les pho­tos des chi­ens et des cochons truf­fiers avec leur maître.

En tant que pro­fane, il faut fina­le­ment s'en remettre à la Pro­vi­dence. Ou à son instinct. On peut se déci­der en fonc­tion de la forme des truf­fes, de leur prix ou de la gen­til­lesse du ven­deur. Il paraît que les pro­fes­si­onnels achè­tent sans regar­der, sans le moindre égard pour les sacro-sain­tes tra­di­ti­ons d'un mar­ché pro­vençal. Je finis par faire affaire avec une ven­de­use par­ti­cu­liè­re­ment pati­ente au sourire char­mant: 200 gram­mes pour 170 euros.

Ma femme en emportera la moi­tié en Allema­gne pour offrir à son cou­sin. L'autre pas­sera dans nos assi­et­tes. Depuis, notre fils – qui super­vise étroi­te­ment nos menus – né rêve que de brouil­lade de truf­fes.

Bertram Diehl, publié le 27 jan­vier

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Der zustän­dige Redak­teur hat den Text ganz offen­sicht­lich selbst nicht gele­sen. Über­flo­gen viel­leicht, nicht gele­sen. Hätte er ihn gele­sen, hätte ihm auf­fal­len müs­sen, daß der Ver­fas­ser kein "tou­riste étran­ger" sein kann, wenn er schul­pflich­tige Kin­der in Frank­reich hat. Nor­ma­le­ment. Auch Redak­teure sind nur Men­schen.